L’ONSS reprend les citations en faillite :  le point sur l’endettement institutionnel

L’ONSS reprend les citations en faillite : le point sur l’endettement institutionnel

Publié le : 19/11/2021 19 novembre nov. 11 2021

L’Office national de sécurité sociale (en abrégé l’« ONSS ») cite à nouveau en faillite, titrait le quotidien L’ECHO dans un article récemment publié 1

Cette annonce met donc un terme au moratoire de fait que l’ONSS accordait aux entreprises dans le cadre de la lutte contre les effets de la pandémie COVID-19.

A cette occasion, la présente note expose brièvement les principaux risques liés à une accumulation des dettes de cotisations sociales, notamment en cas de faillite.

En outre, elle esquisse à l’attention d’entreprises en difficulté quelques moyens efficaces pour favoriser leur redressement économique et financier.

1. La pratique enseigne, qu’en présence de difficultés financières plus ou moins aigues, certaines entreprises sont amenées à poser des choix cornéliens. 

Face à l’incapacité d’honorer leurs dettes à court terme, elles peuvent, volontairement ou non, être incitées à donner la priorité à certains créanciers plutôt qu’à d’autres pour tenter de préserver leur continuité.

Dans ce contexte, le paiement des cotisations sociales (ou d’autres dettes de nature institutionnelle telles que la TVA ou le précompte professionnel), est souvent considéré comme non prioritaire par les entreprises. 

2. Le recours à cette pratique, outre son illégalité examinée ci-après (pt. 3), constitue couramment un artifice, dès lors que l’entreprise s’octroie fictivement un crédit en ne payant pas ses dettes à l’égard de l’ONSS 2 , en vue de satisfaire autant que possible d’autres créanciers. 

Toutefois, ce faisant, sa dette globale ne diminue pas, voire même s’accroit, tout en l’exposant à de nombreux risques de poursuite des autorités et de ses travailleurs dont le financement des prestations sociales est gelé.  

Cette pratique est donc dangereuse pour l’entreprise et ne constitue certainement pas un moyen adéquat afin de pourvoir à son redressement. 

L’impossibilité prolongée pour une entreprise de respecter ses échéances de paiement à court terme devrait être considéré comme un signal préoccupant et entraîner une réaction appropriée dès que possible.

3. Le non-respect de l’obligation de paiement des cotisations viole la loi et les sanctions qui s’y attachent sont de diverses nature.

Tout d’abord, le non-paiement des cotisations sociales est, selon l’article 218 du Code pénal social, constitutif d’une infraction dans le chef de l’employeur qui en s’en rendrait coupable. S’agissant d’une infraction de niveau 2, ce dernier encoure une peine d’amende de 400,00 EUR à 4.000,00 EUR et une amende administrative de 200,00 EUR à 2.000,00 EUR, à multiplier par le nombre de travailleurs concernés. 

Ensuite, le non-respect par l’employeur de son obligation de paiement des cotisations sociales est susceptible d’entraîner, à sa charge, l’application de majorations ou encore d’intérêts de retard, conformément à l’article 54 de l’arrêté royal du 28 novembre 1969.

En cas de défaut de paiement, les services de l’ONSS pourront également tenter de recouvrer leur créance par le biais de mesures d’exécution forcées, c’est-à-dire par le biais de saisies ou encore par une citation en faillite de l’entreprise.

Si la faillite est prononcée, les dirigeants effectifs de l’entreprise, parmi lesquels figurent au premier plan les administrateurs, encourent le risque d’être personnellement poursuivis et condamnés au paiement des cotisations sociales impayées, et ce en vertu de l’article XX.226 du CDE.

L’application de cette disposition est toutefois soumise à la réunion de conditions strictes. 

En effet, le dirigeant doit avoir été impliqué, en cette qualité, dans au moins deux faillites (ou liquidations) précédentes qui présentaient également des dettes de sécurité sociale. En outre, ces faillites doivent être intervenues dans une période de cinq ans à compter du jugement déclaratif de la faillite.

Par ailleurs, la responsabilité des dirigeants pourrait également être recherchée sur le pied de l’article XX.225 du CDE, dans l’hypothèse où le gonflement du passif social serait jugé comme constitutif d’une faute grave et caractérisé ayant contribué à la faillite. 

Enfin, il pourrait également être soutenu que, par le biais d’un crédit factice, les dirigeants ont maintenu sous perfusion une entreprise alors qu’il n’existait manifestement pas de perspective raisonnable de la préserver. Cette poursuite fautive d’une activité déficitaire pourrait inciter le curateur désigné à engager leur responsabilité en invoquant l’article XX. 227 du CDE. 

Dans ces deux derniers cas, les dirigeants encourent le risque d’être personnellement condamnés au paiement de tout ou partie des dettes de la société, selon l’appréciation du Tribunal.

Précisons encore qu’en pratique, la loi n’exclut pas que les dirigeants puissent faire l’objet de poursuites sur la base d’un cumul des dispositions précitées, selon les cas d’espèce.

4. En définitive, le risque qui s’attache à l’accumulation de la dette de cotisation sociale est donc élevé et susceptible d’entraîner des conséquences en cascade, autant pour l’entreprise (en tant qu’employeur) que ses dirigeants.

Ce qui précède doit inciter tout dirigeant normalement prudent à ne pas prendre à la légère l’annonce faite par les services de l’ONSS et l’encourager à rechercher les remèdes qui s’imposent.

5. Parmi le panel de solutions envisageables, la plus usuelle consiste à solliciter auprès des institutions un plan d’apurement de la dette. Il permet, en général, d’obtenir un étalement des sommes dues sur une période raisonnable.

Dans des cas exceptionnels, il n’est pas exclu que les institutions, en ce compris l’ONSS, renoncent à percevoir certains montants accessoires, notamment lorsque les majorations et amendes atteignent des niveaux très élevés (en raison de dettes parfois très anciennes).

Précisons ici que les entreprises qui ont conclu des plans d’apurement avec l’ONSS et qui respectent les échéances que celui-ci prévoit ne risquent pas d’être citées en faillite, à l’initiative de l’ONSS, malgré l’existence de dettes potentiellement importantes de cotisations de sécurité sociale.

Il devrait en aller de même auprès d’autres percepteurs publics, tel que le SPF FINANCES 3 .

Si le plan conclu ne peut toutefois plus être respecté, et que la menace sur la continuité de l’entreprise devient irrésistible, d’autres voies sont à la disposition de l’entreprise.

6. Elle pourrait, notamment, envisager de recourir à la procédure en réorganisation judiciaire (en abrégé « PRJ »). 

La procédure en réorganisation judiciaire a pour but de préserver, sous le contrôle du juge, la continuité de tout ou partie des actifs ou des activités de l’entreprise.
La demande de PRJ s’introduit par une requête unilatérale déposée au greffe du tribunal de l’entreprise compétent via le registre électronique de l’insolvabilité REGSOL (www.regsol.be).

L’entreprise est invitée à s’acquitter de 299,00 EUR et 20,00 EUR, au titre de frais de procédure, afin que le dossier puisse être traité par la juridiction saisie. 

Traditionnellement, il y a lieu de retenir deux moments clefs de la procédure, en raison des conséquences que la loi leur attache :
  • Dès le dépôt de la requête en PRJ, l’entreprise jouit d’une protection contre les citations en faillite et, sauf exceptions, contre la vente forcée de ses biens meubles et immeubles.
  • Dès le jugement d’ouverture de la PRJ, cette dernière jouit d’une protection plus substantielle, appelée « sursis », à l’égard de ses créanciers.  A partir de la date du jugement, en règle, plus aucune voie d’exécution ne peut être poursuivie par les créanciers (ex : saisies) et toute citation en faillite ne pourra être traitée le temps du sursis.
Durant cette période de sursis, limitée à six mois (mais renouvelable par le tribunal), l’entreprise doit entamer sa réorganisation en vue d’atteindre l’objectif qu’elle s’est fixé dans sa requête en PRJ : 
  1. négocier des accords amiables avec au moins deux de ses créanciers ou (« l’accord amiable ») ;
  2. proposer un accord collectif à tous ses créanciers (« l’accord collectif ») ;
  3. transférer toute ou partie de ses activités (« le transfert d’entreprise sous autorité de justice »).
Par exemple - dans le cadre de la PRJ par accord collectif, le plan de réorganisation judiciaire que propose l’entreprise à ses créanciers peut prévoir des abattements de certaines créances dites ordinaires 4 allant jusqu’à 80% et un paiement échelonné sur cinq ans.  

D’autres créanciers, en revanche, connaissent un traitement privilégié: il en va notamment des créances nées de prestations de travail, à propos desquelles la loi précise qu’aucun abattement ne pourra être recherché.

Ces règles doivent être maniées avec prudence afin d’éviter tout reproche de la part des intervenants au dossier, au stade de l’adoption du plan.

Pour devenir exécutoire, le plan devra (i) être voté par une double majorité de créanciers 5  et, si celle-ci est atteinte, (ii) être homologué par le tribunal de l’entreprise.

La procédure en réorganisation judiciaire peut donc se révéler être un puissant outil pour redresser une entreprise en difficulté. 

7. Enfin, depuis le 21 mars 2021, en réaction à la pandémie et à ses effets sur l’économie, la loi offre la possibilité pour les entreprises de préparer dans la discrétion (c’est-à-dire sans publication aux annexes du Moniteur belge, ni à la BCE, ou ailleurs) une PRJ accélérée par accord amiable ou collectif.

Ce nouveau dispositif est réjouissant et, comme nous l’écrivions par ailleurs 6 , offre de nouvelles possibilités aux entreprises en difficulté, bien que sa durée de vie semble limitée 7 .

8. En pratique, l’opportunité d’introduire une PRJ devra toujours faire l’objet, en amont, d’une analyse poussée lors de laquelle différents critères, tels que la structure du passif, seront examinés avec précaution.

Dans ce contexte, il peut s’avérer très important pour l’entreprise d’être accompagnée de conseils spécialisés.
 
1 N. KESZEI, « Fin du moratoire, l’ONSS cite à nouveau en faillite », in L’Echo, 10 novembre 2021, l’article est disponible suivant le lien suivant : Fin du moratoire, l'ONSS cite à nouveau en faillite | L'Echo (lecho.be).
Ou tout autre créancier institutionnel.
3 Le recouvrement à charge du SPF FINANCES est aujourd’hui régi par le Code du recouvrement amiable et forcé des créances fiscales et non fiscales introduit en droit belge par une loi du 13 avril 2019.
4 Il s’agit de créances qui ne sont pas garanties par une sûreté réelle et les créances des créanciers-propriétaires (article I.22, 14°, du CDE lu a contrario). A titre illustratif, citons le gage ou encore l’hypothèque. 
5 Le plan de réorganisation judiciaire doit recueillir une double majorité : une majorité en nombre de créanciers et une majorité en volume de créances.
6 Voy. à ce sujet : https://www.mosal.be/actus/points-de-droit/articles/la-nouvelle-loi-sur-la-procedure-de-reorganisation-judiciaire-prj-quelles-nouveautes-4342.htm.
7 Sous réserve de prolongation, il devrait cesser d’être en vigueur le 16 juillet 2022.

 
 

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