La protection contre le licenciement des délégués syndicaux en l'absence de comité pour la protection et la prévention au travail
Publié le :
20/05/2019
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Un arrêt récent de la Cour constitutionnelle (arrêt 29/2019 du 14 février 2019) nous donne l’occasion de rappeler la protection particulière contre le licenciement dont bénéficient les délégués syndicaux dans les entreprises qui n’ont pas institué un comité pour la protection et la prévention au travail (ci-dessous le « CPPT » ou le « Comité »).
Cette situation n’est pas rare. Certaines entreprises n’ont pas institué de Comité car elles n’occupent pas habituellement et en moyenne cinquante travailleurs mais disposent d’une délégation syndicale dont les membres sont généralement désignés par les organisations syndicales.
Les délégués syndicaux bénéficient d’une protection contre le licenciement organisée par la convention collective de travail n° 5 conclue au sein du Conseil National du Travail et par certaines conventions collectives sectorielles.
Les délégués au Comité bénéficient d’une protection nettement plus étendue en vertu de la loi du 19 mars 1991 portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel. Comme on le sait, un employeur ne peut licencier un délégué que pour motif grave moyennant une autorisation préalable accordée par la juridiction du travail ou pour raison d’ordre économique ou technique moyennant la reconnaissance de cette raison par la commission paritaire compétente ou, le cas échéant, la juridiction du travail. Tout manquement à cette protection est sanctionné par le paiement d’indemnités extrêmement lourdes qui peuvent aller jusqu’à huit années de rémunération.
La délégation syndicale est chargée d’exercer les missions du CPPT lorsqu’un tel Comité n’est pas institué dans l’entreprise. Dans ce cas, les membres de la délégation syndicale bénéficient de la même protection que les délégués du personnel des Comités. Cette protection commence à la date du début de leurs missions et se termine à la date à laquelle les candidats élus aux élections sociales suivantes sont installés comme membres du Comité (article 52, alinéas 1 et 2 de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail).
Dans l’arrêt précité, la Cour constitutionnelle a jugé que cette protection supplémentaire accordée à certains délégués syndicaux qui exerçaient les missions du CPPT ne violait pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
Elle fait notamment valoir que :
- ces délégués syndicaux sont exposés à un risque plus important de licenciement en raison des remarques, critiques ou exigences qu’ils peuvent poser en matière de santé et sécurité au travail ; la différence de traitement entre les délégués syndicaux dans les entreprises qui ne disposent pas d’un Comité et dans celles qui disposent d’un Comité repose sur un critère objectif : dans les premières, la délégation syndicale est chargée de plein droit d’exercer les missions du Comité tandis que dans les secondes, la délégation syndicale n’en est pas chargée ;
- le législateur a pu raisonnablement considérer que les membres de la délégation syndicale bénéficient d’une protection supplémentaire dès le moment où ils sont chargés d’exercer les missions du Comité, c'est-à-dire dès le moment où ils sont désignés comme membres effectifs de la délégation syndicale parce qu’ils sont dès cet instant exposés à un risque accru de licenciement ; l’identité de traitement des membres d’une délégation syndicale qui exercent effectivement les missions du Comité et des membres d’une autre délégation syndicale qui ne les exercent pas effectivement se justifie par le fait que les délégués sont exposés à des risques plus importants de licenciement dès leur désignation comme membres effectifs de la délégation, même s’ils n’exercent pas effectivement ces missions.
Dans cette période sensible qui précède les élections sociales de 2020, les employeurs avisés seront donc extrêmement attentifs à l’existence de cette protection exceptionnelle accordée aux délégués syndicaux en l’absence d’institution d’un CPPT.
Paul Crahay,
Avocat associé
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