Funding loss – L’arrêt du 18 juin 2020 de la Cour de cassation ne condamne pas la promesse de prêt
Publié le :
10/02/2021
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Sur Internet comme dans les revues spécialisées, les articles relatifs aux indemnités de remboursement anticipé foisonnent.
A l’égard des crédits professionnels, la principale question qui y est abordée est de savoir dans quelles circonstances ces indemnités doivent être réduites à six mois d’intérêts, en application de l’article 1907 bis du Code civil.
Cette disposition légale n’étant applicable qu’aux prêts à intérêt, le premier argument invoqué par certaines banques pour y échapper est que leur contrat de crédit constituerait une ouverture de crédit et non un prêt (pour en savoir plus sur cette distinction, cliquez ici).
Plusieurs établissements de crédit soutiennent en outre que – quelle que soit la dénomination du contrat – la limitation de l’article 1907 bis ne s’applique que si les fonds prêtés ont été remis à l’emprunteur le jour même de la signature de la convention de crédit.
Selon eux, il s’agirait d’une exigence imposée par le caractère réel du contrat de prêt.
Pourtant, la doctrine et la jurisprudence majoritaires expliquent depuis de nombreuses années qu’un décalage entre la signature du contrat et la remise des fonds n’a pour effet que de retarder la formation effective du contrat de prêt.
Entre la signature de la convention et le prélèvement des fonds, le contrat constitue une promesse de prêt.
Lorsque les fonds sont remis, le contrat de prêt nait et se substitue à la promesse.
Dans son arrêt du 18 juin 2020, la Cour de cassation énonce ainsi que le contrat de prêt est « un contrat réel qui se forme par la remise matérielle des fonds » (traduction libre).
La Cour n’exige par contre pas que les fonds soient remis le jour même de la signature de la convention pour qu’il puisse être question d’un contrat de prêt et que la limite de six mois d’intérêts s’applique.
Pour l’écrire autrement, elle ne condamne nullement la figure de la promesse de prêt.
Un autre passage de l’arrêt du 18 juin 2020 a toutefois semé la confusion auprès de certains praticiens.
Le pourvoi auquel cet arrêt du 18 juin 2020 répond défendait la thèse selon laquelle un contrat qui constitue une ouverture de crédit donnerait naissance à un contrat de prêt lors de chaque prélèvement effectué par le crédité.
A l’appui de cette thèse, le pourvoi estimait que le contrat d’ouverture de crédit ne constitue rien d’autre qu’une promesse de prêt (il s’agit de la position adoptée par la Cour de cassation française).
Dans une telle optique, la question de savoir si le crédit remboursé anticipativement constitue un prêt ou une ouverture de crédit importe finalement fort peu puisqu’une ouverture de crédit emporterait la naissance d’un ou plusieurs contrats de prêt dès lors que tout ou partie des fonds mis à la disposition du crédité seraient prélevés.
Après avoir rappelé les définitions du prêt et de l’ouverture de crédit (qu’elle consacrait déjà dans un arrêt du 27 avril 2020), la Cour de cassation énonce dans sa décision du 18 juin 2020 que les prélèvements effectués dans le cadre d’une ouverture de crédit ne donnent pas naissance à des prêts.
On peut lire sur plusieurs blogs ou sites Internet d’avocats que la Cour aurait ce faisant condamné la figure de la promesse de prêt.
Il n’en est pourtant rien.
L’arrêt rejette la thèse selon laquelle l’ouverture de crédit est une promesse de prêt.
Mais cet arrêt ne s’oppose nullement à ce qu’un contrat qui ne constitue pas une ouverture de crédit soit qualifié de promesse de prêt au jour de sa signature.
Un contrat de crédit qui vise la mise à disposition d’un montant déterminé que l’emprunteur prélèvera dans son intégralité et qu’il devra restituer majoré d’un intérêt ne constitue pas une ouverture de crédit mais bien un contrat de prêt à intérêts.
Pareil contrat reste donc parfaitement susceptible d’être qualifié de promesse de prêt entre l’échange des consentements et la remise des fonds.
Une fois les fonds remis, le prêt se forme et se substitue à la promesse.
Et si le crédit est ensuite remboursé anticipativement, l’indemnité doit alors être limitée à six mois d’intérêts en application de l’article 1907 bis du Code civil.
L’argument selon lequel les fonds doivent être remis à l’emprunteur le jour même de la signature de la convention de crédit pour que l’indemnité doive être limitée à six mois ne tient donc pas.
Laurent Frankignoul
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