Nouvelle directive européenne relative au détachement de travailleurs
Publié le :
10/12/2018
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1. La problématique et les démarches en vue d’une réforme
La directive européenne concernant le détachement des travailleurs (directive 96/71/CE) faisait depuis longtemps l’objet de vives critiques, critiques qui ne se sont pas tues après sa révision adoptée en 2014 (directive 2014/67/UE).
Plusieurs pays, au premier rang desquels la France, l’Allemagne et la Belgique, désiraient une réforme de cette directive qui entraîne des abus de bradage social et de concurrence déloyale.
On peut comprendre la position de la Belgique qui est, par rapport à sa population, le pays qui accueille le plus grand nombre de travailleurs détachés.
A l’inverse, les pays d’Europe orientale étaient extrêmement réticents à réviser la directive.
Le 23 octobre 2017, les Ministres du travail de l’Union européenne ont conclu un accord permettant la révision de la directive. Cet accord a été précédé de longues négociations. Finalement, seuls quatre États membres ont voté contre l’accord tandis que trois se sont abstenus.
Parallèlement, le Parlement européen a également travaillé sur un projet de révision de la directive. Après de nombreuses négociations, le Parlement a pu déposer, le 16 octobre 2017, un rapport prévoyant une réforme de la directive.
A partir du mois de novembre 2017, le Conseil des Ministres de l’Union européenne et le Parlement européen, avec la participation de la Commission européenne, ont cherché à concilier les deux projets.
2. La nouvelle directive
Le 1er mars 2018, un accord a été trouvé.
Cet accord a été mis en œuvre par une nouvelle directive européenne 2018/957 qui modifie la directive 96/71.
La directive poursuit l’objectif d’établir un juste équilibre entre la nécessité de promouvoir la libre prestation des services et d’assurer des conditions de concurrence équitables, d’une part, et la nécessité de protéger les droits des travailleurs détachés, d’autre part (considérant n°4).
Les principales modifications introduites par la directive sont les suivantes :
- Le « noyau dur » des conditions de travail minimales du pays d’accueil applicables aux travailleurs détachés est élargi. Le « noyau dur » comprend désormais, en plus des règles relatives notamment à la rémunération, aux périodes maximales de travail, aux périodes minimales de repos et à la durée minimale des congés annuels payés, les conditions concernant l’hébergement des travailleurs lorsque l’employeur propose un logement aux travailleurs éloignés de leur lieu de travail habituel et les allocations ou le remboursement des dépenses en vue de couvrir les dépenses de voyage, de logement et de nourriture des travailleurs éloignés de leur domicile pour des raisons professionnelles, étant entendu qu’il s’agit exclusivement de dépenses encourues lorsque ces travailleurs doivent se déplacer vers ou depuis leur lieu de travail habituel dans le pays d’accueil, ou lorsqu’ils sont temporairement envoyés par leur employeur de ce lieu de travail habituel vers un autre lieu de travail (art. 3.1 de la directive).
- La rémunération minimale applicable aux travailleurs détachés comprend tous les éléments constitutifs de la rémunération rendue obligatoire par des dispositions légales, réglementaires ou des conventions collectives d’application générale (à l’exclusion des conventions collectives d’entreprise), notamment les primes prévues par des conventions collectives (art. 3, §1 de la directive).
- Les travailleurs intérimaires détachés doivent bénéficier de la même protection que les autres travailleurs détachés quant aux conditions essentielles de travail (art. 1, §3, c et art. 3, §1 ter de la directive).
- Le détachement est en principe limité à 12 mois (au lieu de 24 mois). Dans le cas où la durée effective d’un détachement dépasse 12 mois, les travailleurs détachés bénéficient de toutes les conditions de travail applicables dans le pays d’accueil (avec des exceptions pour procédures et conditions régissant la conclusion et la fin du contrat de travail, y compris les clauses de non-concurrence, ainsi que les régimes complémentaires de retraite professionnelle).
La période de 12 mois peut être portée à 18 mois lorsque le prestataire de services (l’employeur) soumet une « notification motivée » à l’État d’accueil (art. 3, §1 bis de la directive).
La nouvelle directive doit être transposée dans les droits nationaux au plus tard le 30 juillet 2020. En attendant, les dispositions actuelles de la directive 96/71 restent d’application.
Nombre de modifications introduites par la directive sont déjà en vigueur en Belgique (voy. la loi du 5 mars 2002 concernant les conditions de travail, de rémunération et d’emploi en cas de détachement).
On rappellera que cette directive ne concerne que les conditions de travail, et non la question extrêmement sensible des cotisations sociales qui reste régie par d’autres règles européennes (les règlements CE 883/2004 et CE 987/2009 tels que modifiés par le règlement UE 465/2012).
Paul Crahay, avocat
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